Aude
Plusieurs monuments historiques de Chartres cachent de belles histoires. Et si nous prenions le temps de les découvrir ?
En apprendre plus sur ces bâtisses devant lesquelles nous passons
L’Hôtel Montescot
Commençons notre parcours au niveau de la place des Halles, avec l’hôtel particulier Montescot. Ses façades et ses toitures ont été classées aux monuments historiques le 31 mai 1939. Il attire indéniablement le regard lorsqu’on passe à ses abords avec son pêle-mêle de briques rouges et de pierres de taille. Des éléments décoratifs attirent l’œil lorsqu’on prend le temps de détailler le lieu.
L’histoire de ce monument commence en 1546 avec Jean de Montescot. Administrateur des domaines et revenus du duché de Chartres, il léguera l’hôtel à son fils Claude en 1575. Secrétaire et fidèle du roi Henri III, Claude de Montescot va devoir fuir la ville alors aux mains de la Ligue catholique. Le pays est plongé dans les guerres de religion et ce n’est que la prise de Chartres par Henri IV en 1591, qui favorise son retour. Il doit alors faire reconstruire son hôtel particulier qui avait été détruit. Il l’acheva en 1614 comme nous le rappelle une inscription sur la façade.
Ce qui me plaît beaucoup sur les façades extérieures du monument, ce sont les bustes de la famille royale. Il faut savoir que la Ville de Chartres a acquis le bâtiment en 1824 et a procédé à la restauration des façades en 1857. Ce sont lors de ces travaux que les bustes originaux d’Henri IV, de Louis XIII et de Marie de Médicis sont remplacés. Autrefois, ils avaient été commandés par Claude de Montescot afin de montrer son attachement à la royauté.
La Maison du Saumon
Partons maintenant à la découverte de la Maison du Saumon, non loin de la cathédrale de Chartres. Sa construction date du 15e et 16e siècle. Comme l’hôtel Montescot, on ne peut la manquer en passant du côté de la place Billard. Avec sa façade à pans de bois penchée, elle attire notre regard presque malgré elle. Le bâtiment fût inscrit dans son intégralité aux monuments historiques en 1958.
Et quand je m’en approche, je ne peux m’empêcher d’imaginer l’ambiance qui régnait dans les lieux au 15e siècle, quand il s’agissait du lieu de vente d’un commerce de poissons. L’atmosphère devait être captivante entre négociations à la volée et conversations anodines.
Et, il faut savoir que son existence n’a pas été de tout repos. Au moment de la libération de Chartres durant la seconde guerre mondiale, la ville a subi de nombreux dégâts liés à la mise en déroute des troupes allemandes. La maison n’y échappa pas et le 1er août 1944, une bombe atterrit sur le quartier et l’édifice fut ainsi incendié. Les pompiers de l’époque durent aller puiser de l’eau dans la rivière de l’Eure en contrebas pour venir à bout du brasier.
Regardons au rez-de-chaussée, on peut observer le beau saumon, datant de la construction de la maison, à qui elle doit son nom. En levant davantage les yeux, on peut remarquer d’autres animaux sculptés au dernier étage. Ces derniers ont été ajoutés ultérieurement mais réalisés dans le style du 15e siècle.
Aujourd’hui, en poussant les portes de cette maison à colombages, on entre dans l’Office de Tourisme de Chartres Métropole. Ayant remplacé un restaurant gastronomique en 2009, le lieu a été transformé pour pouvoir vous accueillir dans les meilleures conditions et vous conseiller différentes visites et activités à faire à Chartres et dans son agglomération.
L’enclos de Loëns
Après être resté un moment sur la place de la Poissonnerie, je me glisse dans la rue aux herbes puis, avant d’arriver devant le portail sud de la cathédrale de Chartres, je fais le tour de la grande dame de pierre, par le parvis, pour me rendre jusqu’à l’enclos de Loëns.
Avec ce bâtiment, je me sens plongé dans le 13e siècle. L’édifice a été totalement restauré et abrite, désormais le Centre International du Vitrail. À l’intérieur, c’est tout le savoir-faire du vitrail qui est à la portée du visiteur.
Mais, je n’entre pas et essaie de plonger dans l’ambiance qui régnait autrefois dans la cour où je me trouve. Il faut savoir qu’à l’époque, le diocèse de Chartres était parmi les plus grands et les plus riches de France. Il disposait de nombreuses terres produisant vendanges comme moissons. L’enclos de Loëns abritait donc ces récoltes dans son cellier et son grenier. Mais, sa fonction ne s’arrêtait pas là. Quand j’ai cherché à en savoir plus sur ce lieu incontournable de la ville de Chartres, je fus étonnée d’apprendre qu’il accueillait également le tribunal ainsi que les prisons du chapitre.
Quand on regarde le bâtiment aujourd’hui, il me semble pouvoir y lire son ancienne fonction de centre de ressources agricole avec sa toiture à 3 pignons et ses colombages. On y sent la possible effervescence qui devait agiter les lieux à l’époque. Cependant, j’ai du mal à y rattacher cette notion judiciaire comme pénitentiaire. Comme quoi, les monuments historiques de Chartres peuvent nous surprendre par leur histoire !
Le Petit séminaire de Chartres
Et ce n’est pas le seul monument aux histoires insoupçonnées dans cette rue, mes pieds me portent plus loin dans la rue du Cardinal Pie et je me retrouve désormais devant une belle bâtisse.
Pour ma part, je passe quotidiennement devant cet édifice. Chaque fois, je me surprends à y poser les yeux. Je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule à être irrémédiablement attirée par le charme de l’endroit. À de multiples occasions, j’ai pu observer des passants s’arrêter et s’extasier devant son architecture et s’y prendre en photo. Comme quoi son pouvoir de séduction n’épargne personne !
Est-ce sa grandeur ? Sa jolie symétrie ? Je ne saurais le dire mais en tout cas, je me suis renseignée sur son histoire et, comme son proche voisin, l’enclos de Loëns, il a eu de multiples fonctions par le passé, voire dans son cas, de multiples vies. Sa construction date du 18e siècle et, dans un premiers temps, rattaché au diocèse de Chartres, il a été le petit séminaire de Chartres. Entendez par là, une école catholique pouvant être comparée à un collège ou un lycée dans lequel on enseigne à de futurs prêtres comme à des élèves, qui resteront laïcs par la suite.
À la fin du 18e siècle, le petit séminaire fut transféré. Jusqu’au début du 19e siècle, plusieurs structures se succédèrent dans les locaux. On y vit divers tribunaux, une caserne de vétérans, une partie des classes de l’école centrale départementale mais également une caserne de gendarmes. Puis, le diocèse de Chartres fut rétabli, il reprit donc ce vaste bâtiment de la rue du Cardinal Pie et y installa le grand séminaire Saint-Charles, pour la formation des futurs prêtres. Ce n’est qu’au début du 20e siècle, après la séparation des biens de l’Église et de l’État, que les archives départementales prirent possession des lieux. En parallèle, l’édifice continuait d’avoir quelques fonctions judiciaires. Imaginez, le nombre d’histoires qui ont pu s’entrecroiser entre ses murs.
Aujourd’hui, il prête sa façade pour l’événement Chartres en lumières avec une illumination réalisée par Lumière de Verre rendant hommage à Marcel Proust. Une célébration lumineuse qui fait écho au centenaire de l’obtention par Proust du Prix Goncourt pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919). Un événement qui donnera lieu à de nombreuses animations en 2019 lors d’une manifestation appelée le Printemps Proustien.
La Maison Henri IV
Mon périple ne s’arrête pas là et je vous invite à finir ce circuit sur une passion : celle d’Henri IV pour Gabrielle d’Estrées. Pour cela, rendez-vous à la maison du 3 et 5, rue Chantault. Quand on passe à ses abords, elle ne se distingue pas forcément de ses voisines à part peut-être par sa hauteur. On ne la désignerait pas forcément comme le théâtre d’une histoire romanesque.
Entre 1553 et 1610, Chartres est assiégée par Henri IV, dit Henri de Navarre. Le futur monarque de France se livre pleinement aux guerres de religion et souhaite reprendre la ville, alors aux mains de la ligue catholique. Cependant, lors de son siège, il va faire la connaissance de la jeune nièce d’un gouverneur d’Île-de-France et Chartres, alors âgée de 17 ans : Gabrielle d’Estrées.
On la dit être un enchantement pour les yeux. Bien que cela ait dû séduire le futur Roi de France au premier regard, c’est sûrement son franc-parler et son obstination qui a dû susciter l’intérêt grandissant du roi pour sa personne et finalement, le fasciner. Car, une chose est sûre, elle lui a résisté. Elle lui a reproché aussi bien sa mauvaise haleine que sa fétide odeur corporelle. De quoi commencer une belle histoire d’amour ! Ce n’est que par l’entremise des proches de la jeune femme que débute la liaison entre Henri IV et Gabrielle d’Estrées. Après toute une série de péripéties, ils faillirent aller jusqu’au mariage. Cependant, la "presque reine" mourut avant la célébration, à l’âge de 26 ans, et ne fut jamais Reine de France.
Dans tous les cas, c’est dans cette demeure chartraine qui se dresse face à moi, que la passion du Roi envers sa jeune maîtresse s’est exprimée.
Je trouve toujours impressionnant que tant d’histoires insoupçonnées flottent dans l’air chartrain, faisant écho à des temps forts de l’Histoire de France. On comprend pourquoi la ville invite à y revenir lorsqu’on y pose un pied. Les anecdotes qui l’habitent sont nombreuses et, un seul week-end est bien peu pour parvenir à toutes les découvrir.